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"Quand le 2 novembre 1985, à 20h30, le chanteur Jean Ferrat,
après 5 ans d'absence, fait sa réapparition sur Antenne
2 en compagnie de Bernard Pivot pour présenter aux téléspectateurs
son nouvel album, bien peu nombreux sont ceux qui connaissent l'auteur
de ses quatorze nouvelles chansons.
Et pourtant, fait exceptionnel, les quatorze textes de ce nouveau disque,
" Je ne suis qu'un cri " sont tous signés par Guy Thomas.
Non il ne s'agit pas du journaliste, Jean Ferrat le dira lui-même,
ni de l'auteur-compositeur, mais d'un petit professeur de Français
à Champagnole, dans le Jura, dont il a fait connaître déjà
plusieurs textes.
Pour le spécialiste pourtant, Guy Thomas n'est pas un inconnu.
Né en 1934 en Belgique, d'un père bourguignon et d'une mère
wallonne, il publie dès son adolescence, encouragé par son
professeur de lettres classiques, à qui il doit beaucoup, ses premières
" goualantes " dans diverses revues poétiques, ce qui
lui vaut d'être remarqué par des personnalités aussi
différentes que Léo Ferré, François Mauriac,
Georges Brassens et Jean Rostand.
En 1960, il commence à collaborer à différents journaux,
rencontre François Cavanna et il collabore régulièrement
à Hara-Kiri et Charlie-Hebdo.
L'auteur des Ritals écrira d'ailleurs de lui dans son ouvrage Bête
et Méchant : " Guy Thomas, de sa province, nous envoyait des
poèmes enragés sur des rythmes de java vache ".
En 1969, c'est enfin la publication du premier livre " Vers boiteux
pour un aveugle " et " Le petit trou pas cher ". En 1975,
c'est le bruit des bottes ", " Le singe ", " Berceuse
pour un petit Loupiot ". Plus tard encore " Le chef de gare
est amoureux ". D'autres interprètes comme Isabelle Aubret,
Francesca Solleville, Jean-Marie Vivier interpréteront Guy Thomas
qui continuera à publier pourtant " ses petits bouquins sulfureux
" : en 1976, c'est " Voyez comme on danse ", en 1978 "
Les aventures du poète Gugusse ", en 1985 " Goualantes
du pierrot bossu qui n'y voit que d'un il".
La même année Jean Ferrat descendra de sa montagne pour lui
consacrer un album complet intitulé " Je ne suis qu'un cri
" ; quatorze texte dont il a écrit la musique. Le disque sort
aux Editions Gérard Meys, et il obtient en quelques jours deux
disques d'or et un disque platine.
Depuis, Guy Thomas, réfugié dans son petit village de Pillemoine
à côté de Champagnole dans le Jura, continue à
écrire (" Amazonie " par exemple pour Isabelle Aubret,
et " Aquarelles " pour James Ollivier, devenue la chanson officielle
pour le Salon de l'Environnement " à Bruxelles).
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Pour mieux connaître Guy Thomas, peut-être
est-il préférable de laisser parler ses poèmes pour
lui. Voici une sélection de textes, une sorte de " poéscopie
" d'un anar rêveur, qui joue de la rime pour batailler l'injustice,
qui lance des " goualantes au vitriol " en suivant le fil des
trapézistes de son enfance. Un équilibriste du cur,
qui surplombe un monde trop cartésien pour être vivable, un
poète comme l'ami Pierrot qui a mal à sa jeunesse et "l'épouvante
à fleur de peau".
Tout petit déjà, sa vocation du poète
anar naquit très tôt sur les bancs de l'école
:
" Bon
à rien disait Capable
Le
professeur de maintien
Il
ne fout strictement rien
Que
voler de table en table
Ca
devient insupportable !
Il
se cogne à mon pupitre
Il
se colle après les vitres
Il
divertit mes grillons !
Bon
à rien ! le papillon "
(Le
papillon)
Ses déboires de cancre modèle,
" cancre en arithmétique " comme il le dit
lui-même,
le brouilleront plus tard définitivement avec les chiffres
:
"
Je sais pas garder mon pognon
Je
sais pas compter mes espèces
Je
comprends pas votre jargon
Je
sais pas lire un tiroir-caisse !
Que
veut dire modération
Et
que veut dire économie ?
Je
suis le prince des couillons
Le champion de l'académie ! "
("
J'aime pas qu'on compte ")
Ses centres d'intérêts ne sont pas du domaine de
l'arithmétique. Sa curiosité il la place ailleurs :
" Je fais des plants sur la comète
En écoutant Sydney Bechet
" Ce soir j'attends de la visite
Elle devrait marcher plus vite
Y'a tant d'amour à découvrir
Tant de parois à démolir
Tant de folies tant d'aventures
Tant de secrets tant de serrures
Il nous reste si peu de temps
L'amour n'est pas ce qu'on prétend "
(5ème
étage blues)
Dessin
de
Pierre Duc©
(extrait du
coffret "Quand
le bonheur est
une orange"
Guy
Thomas : un rêveur perdu dans un monde de ratiocineurs de tous
poils, de coupeurs de cheveux en quatre
Bien au-delà de
E=MC2 et des problèmes de métaphysique, être
ou ne pas être et tutti quanti, voilà son credo :
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LES AFGHANS
Au lieu d'porter des casquettes
importées du Michigan
ils ont de drôl'de galettes
ils ont de drôl de turbans
les Afghans !
Sans jamais crier famine
ils font de longs ramadans
ils ne mang' que des racines
ils ne sont pas corpulents
les Afghans !
Ils ne sont jamais pompettes
et comme ils n'ont pas d'argent
ils dorment sur des carpettes
dans des repair's de brigands
les Afghans !
Ils ne sont ni catholiques
ni mormons ni protestants
et sont bien plus bordéliques
que sincèrement musulmans
les Afghans !
D'un naturel lunatique
ils ont un petit penchant
tantôt pour les Soviétiques
tantôt pour les Talibans
les Afghans !
Ouzbeks, Patchouns et Tadjiks
descendant de Gengis Khan
aujourd'hui c'est l'Amérique
qui vient les mettre au courant
les Afghans !
Comme ils ont manqué lécole
faut leur expliquer longtemps.
bien qu'ils n'aient plus la rougeole
ce sont des mal-comprenants
les Afghans !
© Guy Thomas - 24.11.01
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KYRIE ELEISON
Tout le monde est à l'appel
Quand c'est le soir de Noël
C'est plein de jolies musiques
Dans vos cornets acoustiques
On entend comme il se doit
La musette et le hautbois
Ce n'est pas la Marseillaise
Qu'on joue pour vos portugaises
C'est la Valse des Bouchons
Sur les huîtres d'Arcachon
Mais moi je n'entends personne
Kyrie
eleison !
Le décor est si joli
Qu'on a les yeux ébouis
On voit sortir des flammèches
Du p'tit Jésus dans la crèche
Et tout en haut du sapin
La grande étoile en mass'pain
Le Père'Noël de sa hotte
Fait tomber des papillotes
Et pleuvoir des macarons
Au-dessus d'la dinde aux marrons
Mais moi je n'entends personne
Kyrie
eleison !
C'est vrai que devant tout ça
Je n'ai pas les yeux d'Elsa
A l'opposé de Mireille
Je n'ai pas beaucoup d'oreille
D'ailleurs je ne suis qu'un mot
Un mot de vilain marmot
Je n'ai pas plus de cinq lettres
Et grâce à vos pifomètres
Vous devinez qui je suis
Sans qu'on vous fasse un croquis
Je suis le mot de Cambronne
Kyrie
eleison !
(Goualantes sataniques)
© Guy Thomas - 2000
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